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Sur son oeuvre

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« La peinture d’Iren Mihaylova paraît jouer avec les mots, parce qu’elle passe de l’altérité à l’altération. Jadis, on l’aurait qualifiée d’expressionniste. Aujourd’hui on peut observer ce passage de l’autre à l’otre (cet autre altéré) comme un clin d’œil jeté à la figure majeure de la psychanalyse dont elle fait aussi profession : la passe. »

« Il arrive à la peinture d’Iren Mihaylova ce qu’il arrive souvent dans la Bible quand Dieu aime une personne, il lui donne un nouveau nom : chez elle un nouveau visage ! »

- Jacques Cauda, peintre, poète, éditeur, « D'une Iren l'Autre », article sur la peinture et la poésie d'Iren Mihaylova.

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« C'est que le recueil explore la force poétique de l'inconscient, cet univers flottant aux bornes indéterminées. Le lecteur s'interroge alors, en fixant une dernière fois l'image, sur le sens à donner à la présence de l'arbre placé dans l'ombre, sur lequel est fixé le fil de vie, et du ciel à la fois clair et obscur ; et de se demander, avant d'entrer dans le coeur du texte : quelle place la poétesse pourrait-elle donner aux "soleils naissants" et "au silence des champs" dont la proche disparue semble lui avoir transmis l'amour ? »

- David Dielen, auteur, chroniqueur, poète, éditeur.

« Lumineux désastres nous invite à une mystérieuse Nuit des rois, un échange shakespearien où l’un se drape de l’autre pour communier, dans un jeu magnétique de séduction ou d’induction. Damien Paisant porte vers la fin du recueil le deuil de Mathieu Bénézet tandis qu’Iren Mihaylova, dès le début du recueil, le conjugue au passé («  Je croyais / Voir la mort Sentir  »). La poétesse exorcise en l’ânonnant l’inanité (« Sans vide. Sans vide de vide. Sans vide de vie. ») tandis que le poète la fleurit comme une tombe («  Je cultive les vers fragiles / qui viennent te sauver / Anémone noyée  ») dans une langue poétique qui se cristallise, plus en silicules qu’en pétales. La partition s’écrit au fil des pages pour que les deux portées n'en fassent plus qu’une.  »

- David Le Golvan, romancier chroniqueur.

« Difficile et sans doute présomptueux de vouloir mettre ses propres mots sur une poésie par laquelle la poétesse revendique leur retranchement. Sinon en acceptant l’infortune, le risque de l’intrusion imprudente. Et pourtant, comme chez Beckett, il faut bien passer par là pour ne pas finir au fossé. Puisque Iren Mihaylova le dit pour nous : « Nul espoir de combler : ce manque de mots justes », acceptons la caution. »

- David Le Golvan, romancier chroniqueur.

« Ce samedi 02 décembre, elle est assurée et brillante dans chacune de ses réponses, pour lesquelles - l'auditeur le remarquera au fur et à mesure - elle laisse toujours une ouverture, une possibilité de la compléter ou de la rectifier, plus loin, ou plus tard. »

- David Dielen, intervieweur.

Poésie constellée, oui sans doute… mais dans le cheminement par étapes de mes lectures d’Iren Mihaylova affleure une tension permanente entre le céleste, où menace « le Soleil Noir de la mélancolie  »  et l’en-dessous, le terrestre, parfois maritime ou floral, un paysage à la fois intime et ouvert à tout un chacun (la langue poétique d’Iren Mihaylova rappelle, par moments, dans sa capacité d’accueil, les «  diamants noirs  » d’Éluard ou de Desnos), tout autant estival que menaçant d’orages… et pour les joindre seul le rêve lourd de mémoire. 

 

– David Le Golvan, romancier, chroniqueur  

« (...) vous l’aurez compris, c’est la seule tenue de l’écrivain possible, son unique point d’appui afin
d’aboucher l’écriture à la mort au travail. Et de se laisser glisser dans un entre deux où corps
et mémoire se croisent sous le signe de l’amour (du vide ?), les mots de l’une faisant tressaillir le corps
de l’Autre, ce qui inspire encore des mots, des émotions et des pensées angoissées : j’écris ou je n’écris
pas ? demande Boris le narrateur.
Avec Iren, on mange les pissenlits par les yeux, on voit leurs aigrettes se dissiper à force de souffler sur
ces nuages, comme elle les appelle. Nuages qui, montés au ciel, ressuscitent la fleur et ses pétales jaunes
d’avant-de-devenir-aigrettes (sic), pétales qui suaient mauvaisement sur les doigts, une odeur
d’ammoniaque, ce gaz qui se dégage lors de la décomposition des matières organiques. Autrement dit
le beau selon le concept du ressouvenir en avant est la condition ou bien d’un mal ou bien d’un bien.
Ou bien ou bien… Car il s’agit des yeux, du monde comme volonté de re-présentation (Iren est aussi
peintre, ici peintre d’icônes), et de l’œil qui se sait pinéal, qui sait que l’homme est ce qui lui manque.
Ce manque serait-il son anima ?  »

- Jacques Cauda, poète, peintre, chroniqueur.

Le lecteur y est rapidement confronté, le recueil d’Iren Mihaylova — et de là vient son étrange et vertigineuse beauté — vogue sans jamais cesser d’entrechoquer les contraires, les antagonismes (« Antagonismes d’une prophétie ») : l’ombre et la lumière, l’informité et la forme, le vide et le plein, l’oubli et la mémoire, le songe et le réel, le chemin et la déroute, l’endroit incertain et le lieu-dit, l’ancien et le nouveau, le perpétuel et le temporel, la frontière et l’ouverture, le dedans et l’à-côté, l’intérieur et le bord,  la chute et la salvation, la fin et le renouveau, le même et l’autre … Plus qu’un mouvement pendulaire, on pourrait être tenté d’y voir la force du boomerang qui s’éloigne pour mieux revenir — encore serait-ce oublier ce perpétuel dépassement qui met poétiquement en œuvre une dialectique de la psychè. Si bien qu’il serait sans doute plus juste de penser le recueil comme une vaste spirale ascendante, jouant de la répétition, de la circularité et de l’avancée. Les images du « carrefour », du « rond-point », de la « rosace » ne sauraient exprimer à elles seules la force circulaire, circulatoire du recueil. Qui plus est, il s’agit aussi de tourner pour faire temple, au sens étymologique du terme, pour tenter de circonscrire. 

- Jennifer Grousselas, peintre, poétesse, critique.
 

« Question 3° (Jacques Cauda) : Chimère ! Ce mot revient plusieurs fois dans ton poème. Page 25, tu la qualifies d’impossible... C’est également le titre, Chimères, des douze sonnets écrits par Nerval dont El Desdichado, n’est-ce pas, j’y reviens. Parle-moi de ta chimère.

Iren Mihaylova : En évoquant « le soleil-à-venir », c’est au sens de la chimère justement. Il y a quelque chose de chimérique dans cette attente perpétuelle du soleil levant (l’œil fixe, fixé sur les images (intérieures qui défilent)). L’impossible de la chimère, c’est qu’elle puisse un jour être résolue. Mais ce n’est pas une attente passive, (celle de celui qui « contemple le ciel de sa mémoire »), non, loin de là. C’est l’une des attentes les plus actives, celle qui ne s’éteint jamais, ce désir de traversée « la chaude lumière » (Ciel de ma mémoire) car, comme le disait Proust : « la mémoire efface tout/ n’efface pas les yeux ». C’est peut-être dans cet ancrage du et dans le souvenir de la disparition ineffaçable que se loge l’écriture, la pensée, la vie même, « dans le creux de ces bras-là (d’autrefois) » (Tirer les ombres), d’où j'ai toujours tiré les fantômes, les chimères, les couleurs, l’âme et la vie. Pour vivre, pour peindre, pour respirer, pour (s’)écrire.
 »

- Jacques Cauda et Iren Mihaylova.

« Deux formes prédominantes sont apparues à la lecture : les cartes et, avec elles la question d’orientation et
le risque de la « perdition de mes repères ». Et la maison, laquelle appartient au végétal et offre un logis avec ses objets familiers comme « plancher », « placard » (p. 20), « oreiller » (p. 21), « véranda » (p. 22), « fauteuils » (p. 30) et la chambre où « accroupie dans un coin sombre de ma chambre / je compte les jours à apprivoiser […] ».
Ces deux formes provoquent une tension entre rester et partir qui traverse tout le poème (car au fond, il s’agit d’un seul poème) : d’un côté le chemin et son « embarquement à contre-courant » (p. 30) et de l’autre - le sur-place, l’immobilisme d’où on peut « observer longtemps l’astre pâlir » (p. 30), et où se trouve la « maison de l’enfance »
(p. 31), ce « château mystique de rêveries (p. 36), cet endroit « d’ombre libres et austères ».  »

- Pierrick de Chermont, chroniqueur, poète.

​Nombreux sont les écrivains qui entretiennent prudemment cette vision dichotomique, à de rares incursions près en terre inhospitalière. Pas si fréquent pour eux d’emprunter le souterrain. Hantise de l’un d’instrumentaliser la langue au service d’un énième « universel reportage », hantise de l’autre de frotter les mots jusqu’à l’érosion du Moi (ou réciproquement). « Phrase-objet » versus « le langage instrument » selon la distinction duelle, un peu rugueuse, de Jean Paul Sartre. (...)

Ce roman est-il, comme « ce rêve éveillé », une sorte d’examen probatoire pour Iren Mihaylova? Dans ce cas, l’obstacle, s’il y avait bien obstacle, est franchi et bien franchi. Iren a l’audace de ces bipatrides (Apollinaire, Beckett…) qui cernent la langue dans un champ d’exploration et d’appropriation et nom d’un intimidant sanctuaire où l’on est sommé de prendre au plus vite ses marques. Elle a, comme ces prédécesseurs, la liberté chevillée aux mots, les ailes qui lui feraient franchir tout précipice.

 

– David Le Golvan, romancier, chroniqueur. 

« Depuis ma chère disparition nous indique que la voix (droite ?) est perdue. Ne nous resterait-il que la place du mort, celle d’où l’on voit défiler la poésie en train de réécrire le réel bien qu’il y ait chez tout un chacun un profond désir de ne pas voir le réel qui fait voir l’image, fût-elle poétique ? Somme toute, écrire ne serait rien d’autre que la déploration plus ou moins émouvante de la perte au profit d’un chemin menant nulle part, c’est-à-dire là où l’on pourrait saisir, pour esquisser son horizon natal ? Dit autrement, c’est vouloir renaître dans l’ombre du soleil noir retenue dans la prison du luth constellé, p.12. Car Iren cite Nerval, mélancolie pour mélancolie. »

- Jacques Cauda, peintre, chroniqueur, érivain poète.

« (...) il est nécessaire que le poète (ou l’artiste en général) ait une foi profonde dans le sens que la création apporte au monde. Cela implique une sensibilité accrue, une capacité d’endurance face à l’œuvre qui exige, traque, détruit parfois, et dépasse son auteur — ainsi qu’une force de vie inébranlable malgré les embûches personnelles.

Je pense que même le mot « mélancolique », tel que vous l’avez employé, ne peut pas être pris au pied de la lettre — ni dans le sens poétique, ni dans le sens clinique. Cela signifie tout simplement que, pour créer, et même pour vivre à l’endroit de son désir, on a besoin d’avoir une conscience profonde de la perte, un courage, et une énergie qui rencontrent un conflit avec une réalité souvent peu propice à ces réalisations.

Savoir perdre, ou pouvoir perdre, est primordial à tout succès, à tout bienfait, et doit être un moteur de travail, une conscience de la fragilité et de la préciosité de la vie. »

- Iren Mihaylova 

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Le Prix Maurice Magre 2025 est attribué à la poétesse Iren Mihaylova pour Depuis ma chère disparition
Iren Mihaylova, la poésie comme lumière du silence

Sous les voûtes du Conseil Régional de Toulouse, le 8 octobre dernier, la voix de Maryse Carrier s’est élevée pour célébrer une poétesse venue de loin, et pourtant si proche de la lumière occitane. Iren Mihaylova, née à Sofia dans une famille d’intellectuels, reçoit le Prix Maurice Magre de l’Académie de Languedoc pour Depuis ma chère disparition, un recueil d’une rare intensité, traversé par le deuil, la mémoire et la quête de soi.

- Monia Boulila, journaliste, poète.

 La chronologie y est presque entièrement automnale et hivernale, calquée sur le raccourcissement des jours, saison vide, saison des morts, mort de la lumière, (écrire en silence pour « (…) faire tomber l’étoile »)

La sclérose du temps engendre l’avortement de toute nouvelle révélation. Ne subsiste alors que la possibilité de l’acharnement : s’acharner à toucher à tâtons « les mots-manquements » et leur consistance friable. L’échec solitaire de l’écrivain est peut-être son seul acte de reconnaissance de soi et du monde dans son incapacité à faire corps avec lui (« Le
renoncement est essentiel et d’autant plus douloureux, s’il doit se faire au moment de la
reconnaissance »/ « Le renoncement n’est pas une perte, mais la conscience de l’exact, du juste,
du suffisant »). Ainsi « « le travail sur le deuil » n’a rien à voir avec ce vœu de le surmonter, piètre satisfecit de petit peine-à-jouir ou de peine-à-vivre, mais il aspire à le faire sien dans le
dédoublement du « Je » consubstantiel à toute énergie créatrice, implacablement résumée dans
cette si juste formule de frontispice : « L’affront d’écrire, c’est assumer l’abandon d’une peau
mensongère dont le moi se dévêt pour accéder à son impossible ».


Peau bleu Klein ou Majorelle… celle d’un Sisyphe nu dessiné par Camille Sauton qui au fil des
jours soulève son corps avant de ployer à nouveau sous l’espace vide.

– David Le Golvan, romancier, chroniqueur. 

Dans le même ouvrage, on sent une présence marquante de la philosophie nietzschéenne. La répétition du « Je » comme une attitude d’affirmation à l’égard de la vie. Vous résumez la vie ainsi : « souffrir et créer ». Vous nous dites qu’on ne peut créer et écrire sans souffrance. Nietzsche aimait les poètes. Mais il qualifiait, dans Ainsi parlait Zarathoustra, ceux de son époque de menteurs.
Mais le poète d’aujourd’hui, traversé par des crises économiques, politiques et diplomatiques, pourrait-il nous conduire à cette société humaine de la Surhumanité ? Une communauté humaine de la Vie ?

Je vous remercie pour cette question qui ouvre plusieurs débats. Je me contenterai de répondre de ma place, celle d’une personne dont le travail, sous une forme ou une autre, est de penser l’intériorité. (...)

Il s’agit de pouvoir souffrir pour tolérer les difficultés de la vie, ne pas se laisser abattre, ne pas tomber dans l’impuissance. Il y a souffrance et souffrance. Il ne s’agit pas de vivre pour souffrir, mais d’apprendre à tirer de la souffrance ce que l’on peut, et de la transformer en matière précieuse de travail.

C’est cela, le travail de l’artiste. C’est ce travail qui lui permet de moins souffrir, ou de souffrir autrement.

- Iren Mihaylova

Pour le reste, et j’entends ce reste comme évoqué ailleurs, dans un texte consacré à Iren, dont je redonne ici quelque peu modifiée la même image de l’avalanche de flocons noirs qui exerce nuitamment sa terrible clarté en criant au vide et à l’insupportable caducité de la vie. Et qui, pour avoir troué le ciel de la page blanche, attend l’être c’est-à-dire le reste, ce trait essentiel qui passe par l’écriture ! Des lettres qui font corps avec le désespoir sans fond de lumière, l’abîme, en regard de cette rose en attente d’être. Peinte et écrite. Du verbe peindrécrire qui m’est cher. Pour peindre une rose pour l’écrire faut-il oublier toutes les roses qui ont existé qui ont péri sur le reste, p.24. Magnifique !

- Jacques Cauda, peintre, chroniqueur, érivain poète.

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